
Haïti / Task Force : l’expression d’un malaise profond entre le CPT, le Premier ministre et le Directeur général de la PNH
Le terme Task Force, par son étymologie, renvoie à sa définition la plus simple : un groupe d’opérations créé en langage militaire, rassemblant plusieurs unités afin de garantir une coordination synergique, loin d’une bureaucratie parfois jugée trop lente. Le samedi 1er mars, le Premier ministre haïtien a annoncé sur les réseaux sociaux la création d’un Task Force national pour mener des opérations. Toutefois, de nombreuses questions restent en suspens.
Depuis des années, la République d’Haïti est malheureusement un pays où la politicaillerie fait loi, élevant au rang de roi ceux qui osent, dans le bon ou le mauvais sens. L’opacité persiste : personne ne sait réellement comment fonctionne ce Task Force, qui en est responsable et quelles sont les règles qui régissent son fonctionnement.
La police et l’armée sont en grande difficulté. Le chef du gouvernement semble préférer le Task Force aux institutions établies, peut-être dans le but d’éclipser le chef de l’armée et celui de la police. L’initiative Karavan Chanjman n’a pas été un franc succès, justement parce que de nombreuses institutions ont été mises de côté. Ce n’est pas sans rappeler que les politiciens haïtiens sont d’éternels aventuriers.
Or, toute coordination nécessite une autorité. Qui donne les ordres ? Un militaire, un policier, ou une autorité politique ? Par nature, un Task Force est une structure temporaire, mais est-il ici question d’une unité paramilitaire ? Qui en assure la chaîne de commandement et à qui doit-elle rendre des comptes ?
Tant de questions pour un simple tweet annonçant le lancement des opérations. Le Premier ministre est-il lui-même à la tête de ces opérations ?
L’armée et la police nationale semblent être les dindons de la farce. Depuis longtemps, elles réclament du matériel pour mettre un terme au règne du banditisme en Haïti. Elles ont tenté de mener des opérations dans les fiefs des gangs, mais ont rencontré d’importantes difficultés pour les assiéger. Qu’est-ce qui a changé ? Le haut commandement de la police et l’état-major de l’armée sont-ils dépassés par la recrudescence de la violence ?
Depuis plusieurs semaines, des rumeurs circulent sur un possible remplacement du Directeur général de la police. Cette idée s’est cependant heurtée au soutien indéfectible d’un groupe de policiers à leur DG, Normil Rameau. Il est dit que le DG a.i ne fait pas l’unanimité au sein du CPT, mais ceux qui le soutiennent sont influents. Une importante branche du secteur privé aurait déjà jeté son dévolu sur un candidat pour prendre la tête du bureau de Clercine. Le CSPN semble fragmenté, d’autant plus que sa dernière réunion s’est tenue sans le Directeur a.i de la PNH. Cette situation ne profite qu’aux gangs armés.
Le Task Force a mobilisé d’importants moyens logistiques pour sa dernière opération, mais d’où proviennent ces armes ? Le chef du CSPN cherche-t-il à se hisser en nouveau maître du jeu ?
Tout le monde se souvient des lots de matériel attribués à la Karavan Chanjman. À ce jour, personne ne sait où se trouvent bon nombre d’entre eux, en raison d’une coordination chaotique et de l’éviction des institutions. L’histoire du FRAPH n’est pas récente, mais reste marquante. Son fonctionnement a gravement entaché la réputation de l’armée haïtienne, déjà ternie par les dérives des Tontons Macoutes. L’armée elle-même a fini par être emportée dans ces excès arbitraires.
Les politiciens haïtiens raffolent du désordre, surtout lorsqu’il leur profite. Ils se préoccupent peu des répercussions sur les institutions. Si l’armée et la police sont reléguées au second plan dans la lutte contre l’insécurité, c’est la preuve flagrante que les dirigeants n’ont aucun véritable plan sécuritaire pour le pays, misant plutôt sur un one-man show. La discorde est omniprésente, et l’État ne parle plus d’une seule voix.
Un membre du CPT tweete, le chef du gouvernement fait une annonce, et les institutions se retrouvent à quémander des informations alors qu’elles devraient être aux commandes.
Haïti traverse l’un des moments les plus dangereux de son existence. Tout est en lambeaux. La Constitution n’est qu’un outil de manipulation, invoqué uniquement pour défendre des intérêts particuliers. Quant à la République, sa survie semble être le dernier des soucis des dirigeants, trop occupés à protéger leur argent et leurs postes.
Perl’Actu
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